Lorsqu’on évoque l’action des parachutistes SAS français en Bretagne en 1944, il vient surtout à l’esprit le combat de Saint-Marcel, mené le 18 juin par le 4e bataillon du commandant Bourgoin. Mais leurs frères d’armes du 3e SAS ont eux aussi participé à la libération de la péninsule : c’est l’opération Derry.

Début août, alors que les troupes américaines laissent enfin derrière elles le bocage normand et percent le front à Avranches, l’état-major allié déclenche l’insurrection générale de la Résistance en Bretagne par ce message diffusé à la BBC : « Le chapeau de Napoléon est-il toujours à Perros-Guirec ? » Contrairement aux sabotages effectués en juin et destinés à ralentir l’envoi de renforts allemands vers les plages normandes, le but est cette fois de préserver les ponts, viaducs et voies ferrées afin de faciliter l’avance des colonnes blindées américaines vers les villes et les ports. Il est décidé de larguer des parachutistes dans la moitié nord du Finistère pour aider à dégager la route vers Brest, l’objectif principal.
Ces hommes sont les 88 Français de la 2e compagnie du 3e SAS/3e RCP, commandée par le capitaine Pierre Sicaud. Parachutés en huit sticks dans la nuit du 4 au 5 août, ils n’auront que quelques jours pour mener à bien leurs missions avant l’arrivée de la 6e division blindée américaine. À leurs côtés, les FFI et FTP bien sûr, mais aussi des équipes Jedburgh arrivées sur place en juillet, et un Operational Group de l’OSS parachuté près de Landivisiau, l’OG Donald. Opérant dans un secteur allant du nord de Brest à l’est de Morlaix, ils réussiront à atteindre leurs objectifs en réalisant même quelques coups d’éclat.
L’opération est articulée en trois volets : Derry 1, Derry 2 et Derry 3.

Derry 1
Derry 1 est composé de cinq sticks, aux ordres des aspirants Duno, Rosset-Cournand et Puidupin, du sous-lieutenant Gourko et du capitaine Sicaud. Les hommes sont largués dans le secteur de Gouesnou-Lesneven-Lanhouarneau. Aux côtés des FFI, ils harcèlent les Allemands, détruisant notamment deux blindés. Grâce à leurs renseignements, ils permettent la destruction d’un convoi d’artillerie et un bombardement précis de la base de sous-marins de Brest. Les paras sont ensuite mis à disposition des unités de reconnaissance américaines pendant quelques jours.

Derry 2
Derry 2 n’est formé que d’un seul stick, habituellement commandé par l’aspirant André Pasquier, mais qui est pour l’occasion sous les ordres du lieutenant Paul Quélen, chef de la 2e Troop de la 2e compagnie. Celui-ci, originaire de Morlaix, saute avec ses hommes dans la campagne de Saint-Jean-du- Doigt et est guidé par des maquisards jusqu’au maquis de Saint-Laurent à Plouégat-Guérand. Le viaduc de Morlaix qu’ils devaient protéger n’étant pas miné, les SAS montent une embuscade infructueuse au Ponthou, entrent dans Morlaix le 8 août puis reçoivent la reddition de la garnison de Carantec le lendemain.

Derry 3
Derry 3 comporte deux sticks. Celui de l’aspirant Anspach saute en blind sur la côte près de Plounevez-Lochrist alors que leur Stirling se dirige vers l’Angleterre, le pilote de la RAF n’ayant pas trouvé la drop zone en raison de la Flak rencontrée sur le trajet. Le lieutenant Tupët-Thomé (chef de la Troop 1) touche le sol avec ses paras à Saint- Urbain. Ayant pris contact avec FFI et FTP locaux, il attaque la Kommandantur de Daoulas afin d’y récupérer des armes pour les résistants qui en manquent cruellement. Le stick se livre ensuite à plusieurs embuscades avant de libérer Landerneau le 11 août.
En sept jours d’opérations, la compagnie déplore 4 tués : Rotenstein et Roger à Gouesnou, Briguet à Daoulas et Guichard à Landerneau. Le rapport du capitaine Sicaud évalue à une centaine de tués et 200 prisonniers les pertes allemandes. De nombreux véhicules et matériels ont été détruits ou capturés, et cinq villes ont été libérées par les SAS. À la mi-août, ceux-ci rentrent en Angleterre pour une courte permission avant de sauter à nouveau dans le Doubs pour l’opération Abel (27 août-22 septembre).

De nombreuses pièces de collection provenant de l’opération Derry ont déjà été présentées dans les articles de Laurent Jégo parus en 2000 dans Militaria n° 174 et 178. Le but de ces pages est de mettre en lumière quelques objets supplémentaires en lien avec cet épisode de la libération de la Bretagne.
La Denison smock présentée ici a été portée par un parachutiste SAS français ayant sauté dans le Finistère, et dont le nom a malheureusement été perdu depuis. Cet exemplaire a été produit par C.W.S. Ltd en 1942. Il s’agit d’un premier modèle avec tricotines au bas des manches, mais dont le camouflage est déjà du type imprimé et non plus peint à la main comme les fabrications plus précoces.

Le Face veil (foulard de camouflage individuel) et la boussole d’évasion ont appartenu à Jean Gantès, membre du stick Duno. Cette boussole faisait partie de la pochette d’évasion emportée par chaque para, contenant également une petite scie à métaux, une carte en soie et des billets de banque.
Provenant du secteur de Gouesnou, un blouson de Battledress Pattern 37 a vraisemblablement été laissé derrière lui par un SAS de Derry 1. Bien que certains insignes aient été décousus, les deux titles France sont toujours présents en haut des manches et des brides de fil montrent qu’un rappel de décoration était porté au-dessus de la poche gauche.

N’oublions pas d’évoquer les résistants qui ont combattu aux côtés des SAS. Le fusil Lee-Enfield No 4 Mk I et son couvre-culasse, conservés au Musée de la Résistance bretonne, ont appartenu à Émile Quéméner, l’un des premiers membres du maquis de Saint-Laurent que rejoignit le stick du lieutenant Quélen. Cette arme fait très probablement partie de celles parachutées dans 88 containers dans la nuit du 3 au 4 août 1944 sur une drop zone de Plouégat-Guérand, à la demande de la Jedburgh team Hilary.

Enfin, le fanion magnifiquement peint sur la soie tricolore est celui de la 2e compagnie du capitaine Sicaud. L’avers porte une représentation du brevet de parachutiste de la France libre. Le revers est orné d’une tête de tigre et porte le nom des campagnes du 3e RCP. Curieusement, certaines d’entre elles ont été menées par d’autres compagnies et ne devraient pas y figurer. Peut-être cette face était-elle commune à l’ensemble du régiment. La Hollande n’y est pas mentionnée, ce qui suggère une confection à la fin 1944-début 1945, alors que les SAS sont au repos avant l’opération Amherst.

Sauf mention contraire, les objets présentés appartiennent aux collections du Musée de la Résistance bretonne de Saint-Marcel (56).

Merci à Jeremi Kostiou (Centre de Recherche Historique du Léon) pour la mise à disposition des photographies du Battledress issu de sa collection.