On ne compte plus les milliers de publications et les centaines de titres de presse diffusés durant la Seconde Guerre mondiale. S’il est encore courant de chiner certaines revues, civiles ou destinées à la troupe, en particulier alliées, il devient beaucoup plus difficile de trouver en une seule fois des collections complètes de journaux ou magazines de cette époque.

C’est pourtant ce qui m’est arrivé, en acquérant, grâce à l’un de mes amis collectionneurs, l’entière collection de la revue américaine Victory. Ce bimestriel fut édité par l’OWI, l’Office of War Information américain, en collaboration avec le groupe de presse Crowell-Collier Publishing Co., l’un des plus anciens éditeurs américains, qui publie alors les magazines Woman’s Home Companion, The American Magazine, et le célèbre Collier’s.

Comptant parmi les plus importantes structures de propagande américaine, l’OWI a été créé en juin 1942. Cette agence d’état était chargée d’informer, grâce à divers supports (presse, cinéma, radio…), les populations civiles à travers le Monde, sur les rôles et engagements de l’armée US, ainsi que de les tenir au courant de l’avancée de cette dernière, (comme d’autres armées alliées), sur les fronts et théâtres d’opérations en Afrique, Europe et Asie. La politique américaine et les décisions prises entre les Alliés tenaient également une place de choix au sein de la revue, largement illustrée en couleurs. L’OWI bénéficiait de plusieurs bureaux à l’étranger, qui se multiplient d’ailleurs au fil des avancées alliées. Paraissant en mai 1942, le premier numéro de Victory compte 80 pages et porte alors, seulement, la mention : « Publié par le gouvernement des États-Unis d’Amérique ». Il faudra attendre le numéro 3 (volume 1) pour que le nom de l’éditeur Crowell-Collier apparaisse aux côtés de celui de l’OWI.

En plusieurs langues

Six numéros composent un volume. En plus de l’anglais, Victory est également publié en italien, espagnol, portugais, ainsi qu’en français et en arabe. Cette dernière version est principalement destinée aux pays du Maghreb et du Proche-Orient. Ces exemplaires sont les plus rares. Le lot que j’ai acquis en compte justement un, en l’occurrence le numéro 4 du premier volume, avec un chasseur P-38 à la Une ! Les éditions en espagnol sont d’abord réservées aux pays d’Amérique du Sud, au même titre que le portugais, la langue du Brésil, dont la FEB (Força Expedicionària Brasileira) sera engagée en Italie.

Le numéro 5 du volume 1 (obusier M7 de 105) correspond à la période janvier-février 1944, mais le copyright mentionnant l’année n’apparaîtra que dans le numéro suivant, soit le dernier du volume n° 1 (troupes débarquant d’un LCI). À noter que les six premiers numéros en français, constituant ce volume, furent principalement vendus en Algérie, en Tunisie et au Maroc.

Premier portrait à faire la couverture de la revue, celui du général Eisenhower, en Une du numéro 1 du volume 2 (mai-juin 1944). La version française de ce dernier fait également apparaître, pour la première fois, des prix de vente en francs « Alger, Frs. 5 ; Ailleurs, Frs. 6 ». Les numéros précédents affichent un prix en Cents américains.

Correspondant à la période juillet-août 1944, le numéro 2 du volume 2 met en avant le débarquement en Normandie, uniquement à travers son éditorial, reprenant le discours du général Eisenhower à la veille du D-Day, le tout accompagné de la célèbre photo le montrant discutant avec des parachutistes de la 101st Airborne Division, qui font aussi la couverture de ce numéro. C’est à partir de celui-ci que Victory sera vendu dans les zones libérées de l’Hexagone. Dès le numéro 5 du volume 2, la version française est rebaptisée Victoire. C’est également à partir de cette édition, datée janvier-mars 1945, que la parution devient trimestrielle. La publication de Victory/Victoire cessera avec l’édition de juillet-août-septembre, soit le numéro 1 du volume 3, avec en Une le portrait du président Truman ; l’éditorial, au même titre que l’un des articles majeurs, portant sur l’adoption de la charte de sécurité des Nations-Unies. C’est également dans cette édition que figure pour la seule et unique fois « l’ours », mentionnant les noms des collaborateurs et leurs fonctions, ainsi que les responsables de bureaux étrangers du magazine, ayant participé à la fabrication de la publication depuis 1943, et qui compte en tout treize numéros.